webleads-tracker

La transversalité et l’agilité viennent au secours de nos organisations pour pallier au chaos engendré par l’environnement VUCA auquel nos entreprises sont confrontées depuis quelques années. Et nous ne pouvons que nous en réjouir… à la condition unique et ultime que les processus liés à la gestion de la performance suivent le même chemin : plus de collégialité et plus de souplesse. 

Le monde VUCA (Volatile, Incertain (uncertain), Complexe et Ambigü), c’est un monde caractérisé par l’émergence, voire la prépondérance de 3 piliers : la rareté des ressources, la globalisation de nos marchés et la révolution numérique. Il bouscule nos normes organisationnelles (temps et lieux de travail). Il modifie nos paradigmes managériaux : impossible de gérer de façon pérenne une organisation en appliquant un modèle de management traditionnel, comprenez Top Down dans un monde VUCA. L’organisation se nécrose à force de jeux politiques, de surcontrôle et de niveau de sécurité défiant tout bon sens. Ce mode de gestion de rétention de l’information puisque c’est le pouvoir, de pression hiérarchique et de faire plus avec (beaucoup) moins a atteint ses limites, reconnaissons-le. Les ressources humaines  – qui n’ont jamais aussi bien porté leur nom de ressources – sont épuisées à force d’engagement et/ou exercent leur fonction dénuée de sens dans un ennui profond. Nos organisations agonisent sous l’oeil impassible de managers à l’ego surdimensionné.

Collaboration et Agilté, les 2 mamelles du progrès

Ok. Je dramatise peut-être le tableau. Alors regardons la réponse positive à apporter à ce monde VUCA. La meilleure réponse semble résider dans la collaboration et l’agilité, portées par 3 piliers : l’innovation frugale en lieu et place de la rareté des ressources; le social au lieu du global et le partage interconnecté plutôt que la révolution numérique.

Cela paraît tellement évident, tellement simple que beaucoup d’organisations se lancent à corps perdu, parfois avec insouciance, parfois avec ambition, dans l’agilité (scrumizons notre organisation) et la collaboration (tout doit être  expérience client / expérience collective ). Les collaborateurs voient leurs réunions hebdomadaires transformées en “mêlées”, sont plongés dans l’expérientiel collaboratif. C’est chaleureux, ça donne de l’espoir…

Malheureusement, l’enthousiasme est de courte durée ; une fois de retour à leur bureau (individuel), ils se trouvent confrontés à une gestion individualisée (et non personnalisée) de leurs relations professionnelles : objectifs et évaluation individuels, plan de développement personnel, traitement administraif impersonnel. Comment, dans de telles conditions, contruire un collectif fort, uni qui contribuera à ce monde collaboratif et agile ? Comment imaginer construire de la transversalité si chacun ne s’intéresse qu’à son petit domaine.

Il est urgent que les RH, les managers et les partenaires sociaux sortent de cette gestion déshumanisées du patrimoine humain de l’organisation. Comment veut-on qu’un collaborateur puisse être autonome et responsable s’il n’a aucune idée des objectifs de ses collègues ? Comment peut-on imaginer un seul instant qu’une organisation gagne en maturité et en puissance si on continue le micro-silotage des évaluations.

Trop beau pour être vrai ? 

Certaines organisations se tournent vers les OKR : l’approche Objectives Key Results créée par Andy Grove, le président d’Intel. On ne parle plus uniquement d’objectifs mais on s’intéresse surtout aux résultats-clés. Quelques principes simples suffisent à expliquer les OKR. Chaque collaborateur se fixe maximum 5 objectifs et 4 Key results par trimestre (ex. Google) ou par semaine (ex. Zynga). Il/elle se met d’accord avec son boss sur la façon d’atteindre ses objectifs (O) et la façon dont le succès va être mesuré (KR). Tout objectif supplémentaire qui vient en sus de ces OKR n’est pas pris en compte car jugé non prioritaire.

Les objectifs sont publiés à la vue de tous, en toute transparence. Chacun sait donc qui fait quoi pour quand et comment. Chacun s’affiche devant le collectif, il n’y a rien à cacher. Une fois le délai de l’OKR écoulé, le manager et le collaborateur décident ensemble sur la suite à donner aux OKR de la période passée qui sont toujours ouverts et de nouveaux OKR sont déterminés.
Les résultats ? 

Il est indéniable que l’entreprise gagne en alignement, en transparence et en reconnaissance. Toutes les priorités et activités de l’entreprise sont identifées (reconnaissance), accessibles à tous (transparence) et cela force par conséquent un adhésion quasi naturelle aux objectifs-clés de l’organisation (alignement).

Chez Upserve, initialement Swipely, société de software fournissant des services de paiements, analyses et outils marketing destinés aux commerçants locaux  et qui a été jugée par Forbes comme une des 100 entreprises US les plus prometteuses en 2013, les résultats sont incontestables. Depuis la mise en oeuvre de cette technique d’OKR, le revenu mensuel des abonnements a augmenté de 85% et l’abonnement moyen est passé à 295$/mois. Le taux de départ mensuel est passé en-dessous de 1%. Le taux moyen hebdomadaire de satisfaction des salariés a augmenté de 4.8 points.

L’approche est mise en oeuvre avec succès par Google, Salesforce, Spotify, Eventbrite, LinkedIn, GoPro,  GE, Intel, … Deloitte a poussé le vice jusqu’à, sur cette base, supprimer les entretiens annuels (enfin pas partout ni pour tout le monde, il faut être honnête). Les OKR seraient-ils la panacée universelle ? je ne pense pas mais il y a déjà un grand progrès en comparaison des objectifs individuels classiques.

Performance collective, performance augmentée et pérenne

Il doit y avoir en effet moyen de faire mieux. Et de faire également plus avec moins. Plutôt que de limiter la fixation et l’évaluation au niveau individuel, pourquoi ne pas leur donner pleinement du sens en la portant au niveau de l’équipe ? Cette approche globale pourrait se résumer en 3 étapes :

Fixer ses objectifs en équipe permet de souder l’équipe, de mettre tous les nez dans la même direction, de donner une place à chacun, de créer de la valeur collective et d’augmenter la fierté d’agir ensemble, au double bénéfice de l’individu et du projet commun.

Suivre pendant l’année de façon agile, au rythme des avancées, permet de piloter beaucoup plus efficacement l’activité réelle de l’organisation, de coller à l’évolution des paramètres organisationnels et structurels, de répondre plus efficacement aux besoins du client… à l’instar d’un projet géré de manière agile.

Evaluer les objectifs en équipe permet de renforcer les liens bienveillants entre équipiers, de favoriser l’émulation plutôt que la compétition, de gagner en maturité, d’augmenter la portée de la reconnaissance, de démultiplier la fierté.

Vous en doutez ?

Pour une entreprise de 100 personnes en Belgique, le coût moyen humain – hors outil donc – du processus de fixation et d’évaluation individuelle des objectifs représentent 2.5 équivalents temps plein soit plus de 150.000€ annuels (ou 185.000€ en France). Passer à l’entretien de fixation et d’évaluation collectives des objectifs permet de réduire ce coût à 1.8 équivalent temps plein (toujours hors outil).

Non seulement cela coûte humainement moins d’effort mais en plus, cela rapporte beaucoup plus comme le démontre deux cas dans des secteurs totalement différents.

SEARS Holding Company, société de grande distribution multimarques en habillement aux Etats-Unis qui figure en bonne place dans le Fortune TOP 100, a gagné  première année de mise en oeuvre 8,5% de croissance du panier (vente via son centre d’appels) en utilisant cette technique. Plus de 11,5% de ses collaborateurs sont passés d’une performance moyenne a une performance remarquable  (échantillon de 12.000 personnes).

Le ministère belge de la Sécurité Sociale, une administration publique, a augmenté sa performance de 20% au minimum en fixant collectivement les objectifs annuels, chiffres qui se sont révélés cohérents et constants sur au moins 4 années de pratique.

Au placard les Brilliant Jerks, place aux solidaires !

Chercheur à l’Université de Portland,  Jack Kondrasuk, critique dans une longue étude publiée dans Journal of Applied Business and Economics (vol. 12), les évaluations individuelles classiques en 76 points, résumés en 4 catégories : le but des entretiens individuels, les personnes impliquées dans ces entretiens, ce qui est mesuré et comment et enfin le système et process. Jack Kondrasyuk recommande la refonte rapide des processus individuels au bénéfice d’une approche collective et collégiale. Son réquisitoire est sans appel.

Le professeur et chercheur François Gonin de la Haute Ecole d’ingénierie et de gestion du canton de Vaud (HEIG-VD) en Suisse suit la même logique :  «La complexité du travail augmente et il est de moins en moins possible d’arriver seul à quelque chose, mais on continue d’évaluer les personnes sur une base individuelle: il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans ce système.»

La HEIG-VD a mené une enquête qualitative  auprès de 3 entreprises suisses romandes qui ont toutes fait le chois des objectifs évalués collectivement.

65% des personnes interrogées dans ces trois organisations dont la taille varie entre 50 et plusieurs centaines de cadres, jugent l’approche positive. Les collaborateurs constatent une amélioration de la cohésion, de la communication, de l’engagement individuel et de la solidarité. 44% des personnes interrogées déclarent avoir une meilleure performance et moins de stress. Le travail prend plus de sens, la motivation à ne pas décevoir ses collègues est perçue comme un atout et les conflits diminuent. Les principaux promoteurs de la méthode sont les cadres senior de haut niveau qui louent l’efficacité de la démarche et les fonctions transversales qui se trouvent boostées par le système.

La principale critique (19%) est de mettre en lumière ce que François Gonin appelle le passager clandestin : celui qui se cache derrière l’équipe pour ne pas travailler. La pression sociale est en effet plus forte sur les “tire-aux-flancs”… mais est-ce un vrai mal ?

Les individualistes émettent également des réserves à l’égard du système : leur égo souffre de manquer de reconnaissance personnelle et ils regrettent une dilution des responsabilités. Toutefois, comme le dit Richard Hastings, CEO de Netflix : “nous ne voulons pas de “brilliant jerks” : le coût négatif sur l’équipe est beaucoup trop important”. En traduction : la surperformance de la star du plateau ne sera jamais équivalente à la performance d’une équipe soudée et engagée.

Certes la démarche en est encore à ses premiers pilotes. Mais, au terme de 2 dizaines d’années d’optimisation de tout ce que l’entreprise compte comme ressources, au terme d’une hyper individualisation du travail renforcée par une déshumanisation des processus régissant les relations humaines, n’est-il pas encourageant de voir poindre une approche innovante, solidaire, communautaire et qui bénéfice tant à l’individu, qu’au groupe et à l’organisation ? Il y aurait de quoi retrouver le sourire à l’idée de fixer et évaluer les objectifs.

 

Laurence Vanhée - Chief Happiness Officer @ Happyformance

Abonnez-vous à notre Newsletter !

Vous recevrez une fois par mois la Newsletter de l'Innovation par les Services et du Management Agile.

Vous êtes désormais abonné(e) à la Newsletter de Serv&Sens.

Share This