Alors que plus de 60% des emplois de 2030 n’ont pas été inventés, la gestion et la prévision des compétences est dans une position difficile. Autrefois pilier des RH, elle en est une des disciplines les plus chamboulées par la digitalisation et la complexification des entreprises. Elle en devient un laboratoire précieux de la réflexion sur le futur des ressources humaines.
La GPEC, c’est quoi ?
La gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) (en anglais, strategic workforce planning) est une gestion anticipative et préventive des ressources humaines, en fonction des contraintes de l’environnement et des choix stratégiques de l’entreprise. En France elle fait aussi l’objet d’une obligation légale, qui n’est encore appliquée qu’à la marge car elle ne concerne que 710 000 salariés (Rapport DGEFPP).
Aujourd’hui, le terme englobe toutes les actions de planification des effectifs et des compétences, à la croisée entre la mobilité interne et le recrutement. C’est un terme assez fourre-tout et parfois un peu trop vague qui explique en partie la difficulté qu’ont les équipes RH à appréhender et à mener à termes leurs projets de GPEC.
La GPEC, mission impossible ?
L’entreprise s’est beaucoup complexifiée ces dernières années. Pire encore les transformations ont lieu de plus en plus vite. En effet, on considère que 60% des emplois de 2030 n’existent pas encore (Adecco). Cela a beau être un truisme, ce phénomène n’en est pas moins en train de désorienter de nombreuses équipes RH qui sont parfois perdues devant l’immensité des possibles et des nouveaux enjeux.
Premières à tomber, les initiatives de planification RH ont été frappées de plein fouet par ces mutations. Rares sont les entreprises qui peuvent prévoir avec précision l’emploi de ses collaborateurs et ses besoins à plus de 2 ans.
Ainsi ces problèmes stratégiques, qui pouvaient être auparavant construits sur le temps long et sur un périmètre fermé, sont rapidement devenus insolubles pour les RH. Et donc extrêmements coûteux en temps et en énergie. Car aujourd’hui, ce sont les spécialistes au sein de chaque département qui sont les mieux placés pour comprendre les évolutions de leur métier et définir les compétences et besoins en recrutement à venir.
En effet, comment prévoir les recrutements quand on ne sait pas de quoi l’avenir sera fait ? Comment planifier les compétences quand on ne connaît pas la discipline en profondeur ? Bref, prévoir les besoins humains sur l’ensemble de l’entreprise ne doit pas être une problématique RH mais un enjeu opérationnel. On se rend compte que la plupart des grandes stratégies de planification des compétences deviennent quasiment caduques au moment où elles sont déployées. Car plus l’image est précise moins elle le sera pour longtemps. En effet, celles-ci vont s’opposer continuellement aux évolutions (toujours plus rapides) des technologies, de votre stratégie ou des attentes de vos clients.
Le digital n’est pas une solution en soi
Dans la plupart des cas, ce problème de complexification des métiers n’a pas été suffisant pour inciter les RH à repenser la gestion des compétences et des carrières. En effet, beaucoup ont vu dans l’émergence des logiciels RH une façon de gérer des organisations de compétences de plus en plus immenses.
Malheureusement, la capacité d’éditer des centaines de fiches de postes et de modéliser des dizaines de compétences sur un graphique n’a pas résolu le problème de fond. Ces stratégies de GPEC restent extrêmement complexes, coûteuses et n’ont que finalement peu d’impact sur les performances de l’entreprise.
Car si l’informatique est une bonne façon de gérer la complexité, elle ne résout pas le problème. Un référentiel de compétences trop complexe n’en restera pas moins fragile. Par contre, il sera souvent illisible pour vos collaborateurs, qui ne s’en serviront pas dans leurs pratiques d’évaluation et la planification de leurs carrières.
Dans des entreprises amenées à repenser les besoins en compétences de plus en plus souvent, créer de la complexité ne devrait jamais être un objectif des équipes RH. Au contraire, les RH doivent revoir ces stratégies avec (peut-être) un peu moins d’ambition mais la volonté d’avoir un impact réel sur les pratiques de l’entreprise.
C’est à dire en créant de l’usage autour de meilleures façons de travailler, de collaborer et de développer ses compétences.
Du RH administrateur au business partner cela passera par l’usage
Si l’on veut tirer les fruits (engagement, transparence, simplicité et donc performance) promis par la digitalisation et une vision des RH plus proche du terrain, il faut faire naître des usages au sein de l’entreprise. Il faut apporter directement de la valeur et donc donner un vrai impact aux initiatives issues des ressources humaines.
En bref, si le RH veut peser dans la balance, il va devoir se transformer en marketeux, businessman et chef de produit… il va devoir penser usage et vendre ses projets à l’ensemble de l’entreprise.
Reprendre le cas de la GPEC avec cet objectif est très intéressant. En effet, penser usage c’est apporter une valeur claire à ses collaborateurs, sans cela ils n’auront (malheureusement) que faire de votre initiative. Il faut voir le salarié comme un client, particulièrement exigeant.
Cela implique tout d’abord de simplifier l’évaluation des compétences. Évaluer une dizaine de compétences est déjà bien trop complexe car illisible pour les managers et les collaborateurs. On passe des heures à évaluer le candidat sur les dimensions au lieu de se prendre le temps de réfléchir sur sa carrière et ses aspirations.
Quelques exemples pour comprendre cette philosophie
Prenons l’exemple d’une entreprise innovante qui vend un logiciel RH. Cette dernière aide les entreprises à construire une culture de travail plus performante dans la nouvelle économie en simplifiant et fluidifiant les pratiques de management.
Pour être promu de niveau 2 à 3 un commercial devra :
- “Savoir porter un projet de vente jusqu’au bout sur une PME ou une ETI”
- “Collaborer sur un projet sur une grande entreprise (de taille 10K+ collaborateurs)”
- “Coacher un collaborateur sur ses premiers mois dans l’entreprise”
Et non pas :
- “Savoir utiliser Salesforce”
- “Avoir une connaissance des pratiques de ventes pour le modèle X…”
- « Avoir un taux de closing de 26% sur les 6 premiers mois de l’année »
Penser en termes de comportements observables et mesurables implique de savoir utiliser les outils et process propres à votre organisation. Ce sont des étapes claires en rapport avec l’entreprise et son développement personnel.
Dans le cas d’un responsable marketing :
- “Savoir définir et exécuter une campagne marketing en toute autonomie”
- « Être capable de calculer, suivre et optimiser les KPI de succès sur un groupe de campagne publicitaire »
Et non pas :
- “Savoir utiliser le logiciel Excel”
- “Avoir une bonne connaissance de nos process”
- « Être à l’aise avec les régies de presse »…
Cela permet de gagner en modularité car si dans 10 ans “lancer une campagne” ne voudra pas dire la même chose (nous sommes passés en 10 ans de TF1 à Facebook Ads), cela restera une mission centrale d’un responsable marketing ayant un certain niveau d’expérience.
Les compétences doivent être décrites sous forme de capacité à créer de l’impact dans l’organisation et dépasser le cadre théorique. En cela, on laisse la gestion des compétences précises aux opérationnels : c’est leur boulot. Ici on veut seulement leur mettre à disposition un outil clair pour gérer les carrières.
La GPEC n’est plus la mission du RH mais de chaque équipe
Ensuite, il faut se demander ce que la gestion des carrières peut apporter à votre collaborateur. Vous vous rendrez rapidement compte que les attentes sont fortes en matière de transparence.
Une bonne matrice de compétences est celle qui est utile à chacun dans l’entreprise. C’est un référentiel commun aux salariés, managers et RH qui va permettre d’organiser les discussions sur les carrières. Bien gérer les compétences n’apparaît plus comme être capable de prévoir les besoins en termes humains (c’est en effet devenu trop difficile). C’est permettre à chaque équipe de s’approprier et d’utiliser un référentiel commun qu’elle maîtrise et qui répond à ses objectifs. La mission du RH n’est donc plus de fournir un outil de prévision du travail par le haut mais un outil de communication et de transparence pour chacun des départements. Les ressources humaines sont garantes de la cohérence et de la bonne diffusion de cet outil à l’échelle de l’entreprise.
Dans ce cas, cela implique d’avoir un référentiel public et simple (voire minimaliste) et ouvert à la collaboration. Il est une référence dans les discussions RH et managériales afin de construire les carrières et d’évaluer la performance. Cela permet au salarié de se projeter dans son travail et d’envisage une mobilité interne.
Un référentiel public est simple est central pour savoir quels seront ses objectifs en termes de développement et de prévoir un programme de formation pour y arriver. Cela lui permet donc de s’impliquer dans sa carrière tout au long de l’année et pas seulement au moment des évaluations annuelles. Il y a fort à parier que ce genre d’outils ont un impact bien supérieur à la majeure partie des initiatives que l’on met en avant pour améliorer l’expérience employé et l’engagement.
C’est le cas chez Google et Apple qui, malgré la complexité des tâches qu’elles entreprennent, ont des matrices de compétences très simples. Elles ont ainsi un outil léger mais très utile qui crée de la transparence et aide à gérer les carrières tout en laissant l’initiative aux vrais experts au sein de l’entreprise.
Nous travaillons sur des exemples de référentiels de compétences pour un large éventail d’entreprises. Si vous êtes intéressé(e), n’hésitez pas à envoyer un mail à contact@service-sens.com pour que nous en discutions.
À retenir :
Le monde de l’entreprise est plus complexe et change plus vite. Il est quasiment impossible de prévoir les compétences dont vous aurez besoin à moyen terme si l’on n’est pas spécialiste.
Le RH doit repenser la façon dont il envisage la GPEC, la planification doit faire place à l’agilité et à la décentralisation pour chaque équipe. C’est la seule façon de bien prévoir les besoins de chaque entité.
Le RH passe d’un rôle d’administrateur à celui de business partner qui aide ses équipes à mieux gérer leurs carrières et compétences. Sa priorité est alors de créer de l’usage autour des pratiques RH.
La meilleure façon de gérer les carrières c’est garantir transparence et clarté pour aider les opérationnels à grandir, évaluer et prendre des décisions.
Source : elevo.fr
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