Quel sera l’impact des technologies, notamment issues de l’univers bouillonnant de l’intelligence artificielle, sur le travail dans les décennies à venir ? Si la digitalisation du travail se banalise dans les entreprises, elle ne fait que préfigurer la refonte complète du travail et de ses modalités d’exercice telles que nous nous apprêtons à les vivre.
L’humain augmenté comme garde-fou alternatif au « tout algorithme »
L’usage des technologies émergentes doit s’accoler à l’humain sous forme d’aide à la décision, d’éclairage des situations, de capacité à simuler les possibles ou à augmenter la réalité physique. La technologie doit éclairer la prise des décisions et faciliter leur mise en oeuvre, sans jamais se substituer au décideur humain. Si cela arrivait, la responsabilité d’une action comme ses conséquences, bonnes et/ou mauvaises, seraient immédiatement déplacées vers une multitude d’agents : la machine ou l’algorithme ? Ses fabricants ou programmeurs ? Les organismes ayant autorisé son exploitation ? Or, quelle est l’essence de notre humanité sinon notre capacité, en milieu flou, à prendre une décision, quelle qu’elle soit ?
Un travail plus protéiforme qu’aujourd’hui mais toujours présent, supporté par un cadre contractuel et financier à la fois toujours plus partagé et plus personnalisé
Les futurs « salariés », bien équipés et très régulièrement formés, constitueront des communautés de plus en plus organisées proches de « fermes / plateformes de freelances » ou de guildes; lesquels mettront à disposition une partie de leur temps et leur savoir pour l’accomplissement de tâches attendues par des « employeurs », au même titre qu’ils le feront pour leurs loisirs. De fait, le marché du travail s’inscrirait davantage dans une logique de résultats que de moyens, de livrable que de temps de travail, avec une expertise attendue généralement plus élevée.
Dans cette perspective, nous voyons se dessiner un modèle mixte qui impliquerait : à la fois un développement accru du travail à distance, de n’importe où, même de son lieu de vacances (le dispositif des congés aurait-il d’ailleurs encore cours d’ici-là ?) ; mais aussi, une notion de « temps de travail » qui, pour certaines catégories professionnelles (professions dites « intellectuelles » ou de pur « back-office » sans relation client directe), disparaitrait au profit du délai de mise à disposition du produit ou service final.
Le contrat de travail et le lien de subordination qu’il induit éclateront partiellement pour donner naissance à une logique de tronc commun contractuel centré sur les aspects de protection (santé, sociale, juridique, financière, informations personnelles…) du « faiseur » comme du « client » ; le tout assorti de clauses particulières spécifiant, à la manière de nos actuels contrats commerciaux, les engagements mutuels, notamment de résultat ou de moyens.
De manière symétrique, le modèle de rémunération serait adapté aux services fournis, à la qualité de leur rendu et au respect des délais : autant de modalités proches de celles pratiquées aujourd’hui par les travailleurs indépendants.
La gestion de la compétence, un enjeu – enfin !
Les mutations à l’oeuvre vont nécessiter une capacité d’adaptation des entreprises et de leurs collaborateurs sans précédent dans l’histoire du travail. Qui dit adaptation dit apprentissage et intégration, et donc formation. Le caractère protéique du travail et du contrat qui régira les relations employeur-employé conduira à une approche de la formation beaucoup plus diversifiée pour répondre aux besoins des individus – et non plus des populations – concernés et pour couvrir des compétences toujours plus diversifiées et rapidement frappées d’obsolescence.
Il est très plausible que la masse de travail globale dédiée aux humains diminue, au moins durant un temps ; une partie sera alors transférée vers des machines et automates. Dans le même temps, de nouveaux besoins et modes d’activité émergeront. Le travail pourrait devenir un choix complètement volontaire, en continu ou en pointillés dans nos vies. En étant en capacité de travailler « tout le temps et partout », on deviendrait aussi libre de ne pas travailler « n’importe quand, n’importe où et sur n’importe quoi » : l’avènement du travail personnalisé, » à la carte » en quelque sorte.
Faisons en sorte, par l’anticipation de ses impacts, via le test d’approches et dispositifs novateurs, et en préparant notre état d’esprit, que les mutations liées, notamment en termes d’emploi, soient choisies, dirigées et non subies !
Source : solutions.lesechos.fr
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