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Ils partagent leur vision.
Dov Seidman
Fondateur de LNR
Dov Seidman est diplômé de Harvard Law School, de l’Université d’Oxford en philosophie, politique et économie. Il est également titulaire d’une maîtrise de philosophie de l’UCLA.
Interview de Dov Seidman
Par Forbes
« Tout ce que nous pensons savoir sur l’engagement des employés est faux (ou presque) »
Pouvez-vous définir en quoi l’économie de la fonctionnalité est un atout pour une organisation industrielle durable ?
Ce n’est pas seulement en créant de la relation, voire de l’empathie entre managers et employés qu’on rendra ces derniers engagés dans leurs missions. Les ingrédients indispensables sont la confiance, les valeurs et le sens que donne la compréhension de la mission de l’entreprise.
L’approche du monde des affaires visant à gérer l’engagement des employés suit une mauvaise recette depuis des années. « Mauvaise recette », dans le sens où les cadres dirigeants demandent aux managers d’« améliorer l’engagement » de leurs employés en les conviant plus souvent à des déjeuners d’affaires.
Les statistiques des enquêtes confirment notre ignorance sur l’engagement. Pendant plusieurs années, le taux d’engagement des employés a diminué malgré les millions de dollars investis par les entreprises pour remonter le moral défaillant du personnel. Les experts et spécialistes en matière d’engagement poursuivent leurs efforts louables et sensés visant à encourager les entreprises à se concentrer davantage sur leur engagement et à l’améliorer. La plupart de ces professionnels ont fait preuve de beaucoup de sérieux dans leurs approches.
Ceci étant dit, les résultats ne devraient-ils pas s’améliorer ? Malheureusement, une récente enquête menée par Towers Watson a indiqué que près de deux tiers des employés américains ne s’impliquent pas totalement dans leur travail, ce qui entraîne une baisse de leur productivité. En réponse aux résultats d’enquêtes de ce type, les cadres supérieurs exhortent les directeurs à passer encore plus de temps avec leurs employés.
Mais qu’arrive-t-il si le déjeuner qu’ils partagent s’avère hypocrite, ennuyeux, banal, voire désagréable? Et si ce moment supplémentaire que les employés passent avec leurs managers se révèle tortueux et mondain au lieu d’être une source de motivation, de coopération et de travail constructif ? Nous ne connaissons que trop bien la suite : l’engagement des employés continue à chuter, comme c’est le cas depuis des années. Une fois de plus, nous avons appliqué une solution de « How much » (combien) à un problème de « HOW » (comment).
La fréquence des déjeuners, des analyses de performance, des sorties dans le cadre du programme de bénévolat et des exercices de cohésion d’équipe n’améliore pas le niveau d’engagement des employés. L’engagement des employés dépend de la qualité et du sens de ces interactions, et du projet que les dirigeants proposent à leurs employés.
Grâce à une analyse statistique beaucoup plus approfondie portant sur plus de deux millions d’observations effectuées sur le lieu de travail auprès d’employés du monde entier, nous avons appris deux choses :
A) Des qualités organisationnelles spécifiques doivent être présentes en grande quantité et véritablement animer le leadership, la prise de décisions et le comportement dans l’ensemble de l’entreprise afin de créer des employés « super-engagés »,
B) Comparativement aux autres employés, les employés super-engagés démontrent de nombreux « traits d’engagement » plus spécifiques. Notamment le désir d’effectuer une plus grande part de travail, plus de loyauté, une plus grande volonté à recommander leur société en tant qu’employeur de qualité, des efforts pour aider et encourager d’autres personnes au sein de l’entreprise par le biais d’actions et de commentaires concrets, etc …
Il s’agit d’un moment historique dans le domaine de l’engagement des employés: nous avons découvert ce qui encourage réellement les employés. La source de cet engagement ne dépend pas des déjeuners partagés, mais plutôt de la façon dont la confiance, les valeurs et la mission inspirent et dirigent réellement les activités et les interactions au quotidien.
Ces facteurs représentent des leviers beaucoup plus subtils et beaucoup plus complexes. Ils sont cependant aussi quantifiables et valides d’un point de vue statistique. Une analyse statistique indépendante sur le fonctionnement réel du travail au sein d’entreprises de petites et grandes tailles, à partir d’une longue et rigoureuse étude empirique d’observation de 36 000 employés dans 18 pays, a été dirigée par le Boston Research Group, The Center for Effective Organizations de l’université de Californie du Sud et Research Data Technology, Inc. Lorsque ces observations ont été soumises à des analyses multivariées (en résumé, l’observation et l’analyse simultanée d’un très grand nombre de résultats), les mêmes résultats ont chaque fois été obtenus.
Quand la confiance, les valeurs et une mission ciblée sont présentes à un niveau statistique significatif, et qu’elles guident le leadership, la prise de décisions et le comportement, ces « composants » créent des groupes extrêmement motivés d’employés super-engagés.
Cette analyse révèle également que si la confiance, les valeurs et une mission ciblée n’encouragent pas le comportement au sein d’une entreprise, ces traits d’engagement sont nettement moins présents. Pire encore, des niveaux extrêmement faibles de ces sources d’engagement produisent des groupes d’employés « déconnectés », qui travaillent contre les objectifs de l’entreprise, voire les sabotent. Chaque organisation possède une certaine réserve de confiance, de valeurs et de mission. Cependant, la recherche montre que les entreprises comptant des employés super-engagés traitent ces facilitateurs de base comme des réacteurs. Quand ces réacteurs « chauffent », ils produisent des employés vraiment inspirés, qui veulent construire des cathédrales au lieu de se contenter de poser des briques.
Notre approche actuelle envers l’engagement des employés ne produit que des poseurs de briques: des personnes qui effectuent des tâches pour l’argent ; des personnes qui peuvent se montrer plus productives sur une courte durée dans leurs tâches grâce à des récompenses exceptionnelles, des bonus ou d’autres motivations (dont les effets positifs ne durent pas) ; et des personnes qui se sentent coincées dans des postes peu satisfaisants et sans perspectives alors que ce qu’elles recherchent est une carrière.
En fait, nous sommes confrontés à ce que l’on peut appeler une « crise des carrières » déclarée, mais dont on parle peu. Étant donné qu’autant de travailleurs demeurent insatisfaits, non productifs et, pire encore, déconnectés dans des postes non motivants et basés sur des tâches, qui ne favorisent ni l’innovation, ni la prise de risques bien informée qui stimule la croissance et crée des emplois plus constructifs et plus significatifs ; des emplois dont notre pays a besoin. Il est temps de passer des postes basés sur les tâches à des missions basées sur les valeurs.
Une mauvaise compréhension, une mauvaise gestion et une mauvaise mesure de l’engagement des employés ne permettent pas de donner un signal clair aux ressources les plus importantes de notre pays : les jeunes travailleurs. Ces personnes doivent savoir où investir leur énergie, leur talent, leurs compétences, leur caractère et leur créativité. Elles cherchent des carrières, mais nous n’avons que des postes à leur proposer.
En comprenant la véritable source des travailleurs super-engagés, nos entreprises et leurs dirigeants pourront prendre leur déjeuner d’affaires tout en savourant ce qu’ils mangent, au cours de sessions qui seront également collaboratives, inspirantes et productives. De plus, en utilisant la confiance, les valeurs et une mission ciblée comme principaux moteurs pour toutes les activités, interactions et décisions d’affaires, les entreprises peuvent transformer une main-d’œuvre de poseurs de briques en une équipe motivée et coordonnée de bâtisseurs de cathédrales, dont le travail inspiré génère à la fois réussite et sens pour les entreprises, et plus généralement pour l’ensemble du monde.
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