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La valeur (ajoutée), si profondément humaine, de la conversation en entreprise

La valeur (ajoutée), si profondément humaine, de la conversation en entreprise

La valeur ajoutée de la conversation

On oublie trop souvent la valeur (ajoutée), si profondément humaine, de la conversation, y compris dans les environnements professionnels. À l’ère du télétravail, les managers devraient davantage s’en soucier. Favoriser la conversation devrait être une de leurs priorités.

Le fameux lien social nous renvoie à la question du retour au bureau, dans un monde où le travail hybride s’est imposé. Le taux de présence sur site ne dépasse pas les 40 % en France en moyenne. Les entreprises craignent une perte du sentiment d’appartenance au collectif, un éloignement, voire un délitement du corps social. Elles recherchent des solutions dans la quête d’une attractivité servicielle et expérientielle sur le lieu de travail.

Ce n’est pas tant via les espaces de travail que dans cet art fragile de la conversation qui « retisse le lien », que les managers pourront cultiver le goût et le plaisir d’être ensemble au bureau. Les environnements de travail doivent pouvoir faciliter des usages conviviaux, en libérant des mètres carrés pour des formes variées de socialisation. Mais l’enjeu se situe d’abord dans une posture managériale qui accueille, valorise et investit un temps précieux dans la conversation.

On retrouve ici le thème de Mathieu Detchessahar sur le management par la discussion. Il parle avec justesse d’une « ingénierie de la discussion » et d’une ingénierie des « espaces de discussion » (qui ne sont pas que physiques). Pour lui, « le manageur doit être en position d’assumer ce rôle de soutien et d’animation de la discussion ». Mais quels en sont les bénéfices, et quelles en sont les manifestations concrètes ?

Résolution et prévention des conflits

Nombre d’entre eux ont précisément pour motif des conflits de spatialité de Michel Lussault. Combien de managers ont (ou ont eu) à gérer des conflits de personnes qui sont, en fait, des conflits de places ? En voici quelques exemples : à qui attribuer un bureau individuel ou partagé fermé ? Comment est ordonnée la hiérarchisation des réservations de salle (la primauté aux dirigeants ?) ? Dans le nouvel espace ouvert et partagé, à côté de qui vais-je devoir travailler ? Si je ne souffre pas sa présence, comment vais-je faire ? Statut (égo), identité professionnelle et qualité de vie au travail sont autant de lignes de fracture au bureau.

Ces questions, et bien d’autres, envahissent le management à l’ère du déploiement des open spaces et du flexoffice. La question de la spatialité est donc une affaire de management, et réciproquement. Le management s’ancre et se donne à voir via ses espaces. Ils doivent être régulés, selon David Le Breton. Il y voit même une dimension éthique : qu’est-ce qu’un espace juste ? Or réguler, cela veut dire converser, car on n’impose plus des règles définies par le haut. On discute, on s’aligne, on met à jour nos désaccords, on co-construit des règles de vie dans les espaces de travail.

Management du « Care »

David Le Breton rappelle que la conversation, cette « matrice première de la sociabilité », est mise à mal par nos usages frénétiques du numérique. L’enferment produit ces derniers impriment le sentiment de constituer « un monde à lui tout seul », les autres étant « convocables et congédiables à tout moment ». Il s’agit bien de veiller à ceci :« L’autre à côté de soi n’est plus une ressource. » La conversation nous renvoie implicitement à la question du « care » – prendre soin, porter de l’attention à l’autre.

La conversation requiert précisément une réelle « écoute, une attention à l’autre »,une curiosité, une disponibilité. Converser, en ce sens, est une modalité du prendre soin. La dimension de reconnaissance y est primordiale :« Une reconnaissance plénière à l’autre à travers l’attention à son égard. » Il s’agit bien « de confirmer à chacun qu’il existe dans le regard des autres ».

Le management par le care et l’art de la conversation sont donc étroitement liés : « La conversation sollicite une disponibilité, un souci de l’autre. » L’éthique de la conversation est en ce sens une manifestation concrète de l’éthique du Care. Sinon elle n’est plus une conversation, mais un bavardage. Trop de bavardage tue la relation managériale, comme il tue l’art discret et fragile de la conversation.

Aider l’autre à ne pas perdre la face

Pour un manager, il s’agit donc bien de favoriser cet « art d’être ensemble », dans le souci permanent de ne pas « faire perdre la face de l’interlocuteur »,selon Erving Goffman. Les équipes doivent pouvoir « faire bonne figure », mais elles doivent en réciprocité cette qualité d’attention à leurs encadrants. Il n’y a rien de pire en effet que de ressentir dans le regard et les propos de l’autre que nous nous transformons « en fiction sans épaisseur », que l’on soit manager ou collaborateur.

« La conversation expose. » Elle ouvre des failles et nous rend vulnérable. Mathieu Detchessahar rappelle que« discuter comporte une part importante de révélation de soi-même aux autres et dans le même temps un travail sur soi, une révélation de soi à soi-même ». Avoir le souci de l’autre, c’est en ce sens veiller à lui adresser « des gages de considération » tout au long des échanges. Mais c’est aussi, en réciprocité, veiller à soi et donc faire en sorte que notre interlocuteur reste attentif à nos propres propos. Or, trop souvent, un manager peut être tenté par la parole, par sa parole, parce qu’il est question de donner du sens à un événement, d’expliciter, de montrer que l’on sait…

Révélation de notre rapport au temps

Il est question aussi du temps de notre rapport au temps, comme le souligne David Le Breton. « Le numérique a radicalement transformé le rapport au temps. » Il crée ainsi « des attentes spécifiques en termes de rendement, de vitesse et de disponibilité sans fin ».

Les pratiques numériques du manager incarnent en ce sens, par leur modération, une attention. Ne pas sursolliciter, ne pas non plus se rendre disponible à la moindre interruption numérique, tout cela témoigne aujourd’hui d’une forme d’exemplarité dans les rapports au temps. Savoir patienter, donner et « se donner » du temps, doit pouvoir se cultiver, alors même que le manager est le premier à être soumis à l’accélération générale.

Ne pas faire de suppositions

David Le Breton rappelle que la conversation nous permet de capter des informations « qui rompent avec nos idées établies et appellent à plus de prudence dans nos jugements ». On retrouve ici l’un des quatre accords toltèques : « Ne pas faire de suppositions. » Trop rarement, en effet, un manager cherche à creuser, à questionner son équipe, à oser tout simplement dire : « Je ne suis pas certain de te comprendre, que veux-tu dire exactement ? De quoi as-tu besoin précisément ? »

Cette dernière question, qui semble bien simple, a été posée par la responsable du service d’anesthésie-réanimations du CHU de Lille à l’ensemble de ses collaborateurs. Pour la plupart, ils en étaient surpris, car on ne la leur avait jamais posée jusqu’à présent… La posture qu’elle reflétait a participé du renouveau du service.

Converser avec… soi-même

La conversation nous renvoie à la question des espaces de travail selon David Le Breton : « Ce sont des lieux où nul n’a plus de comptes à rendre […] un détour qui ramène à soi. » Car « ralentir, se déconnecter, c’est retrouver un contrôle sur son existence, une présence au monde ».

Erving Goffman rappelle que tout salarié doit disposer d’espaces cocons pour s’isoler, ne plus devoir constamment travailler « sous les yeux de la maisonnée ». Dans le monde des espaces ouverts et partagés, ça ne l’est que davantage. C’est créer des espaces de repli qui facilitent la régulation de la coprésence dont parle Michel Lussault.

L’art de la conversation, c’est donc aussi ce besoin profondément humain de la pause relationnelle, de l’intimité retrouvée au milieu des autres, de la privacité : cette conversation silencieuse avec soi-même.

En savoir plus sur la croissance relationnelle et managériale

En savoir plus sur les accords toltèques

 

Source : Benoit Meyronin - Professeur senior à Grenoble Ecole de Management - Theconversation.com

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